Non, il n’existe pas de solution unique pour répondre à l’obligation d’un plan de sauvetage…

Réflexions sur le décret 63-2025, les défis d’interprétation entre le maître d’œuvre et les employeurs, et l’importance d’un plan de sauvetage en hauteur.

Depuis l’entrée en vigueur du décret 63-2025, les chantiers de construction au Québec sont tenus de mettre en place une procédure de sauvetage en hauteur rigoureuse pour les travaux présentant un risque de chute. Si cette obligation réglementaire vise légitimement à renforcer la sécurité des travailleurs, il serait erroné de croire qu’il existe une solution unique ou universelle pour s’y conformer.

Au contraire, la diversité des milieux de travail, des méthodes utilisées et des intervenants impliqués exige une approche personnalisée et collaborative. Cette réalité est d’autant plus complexe qu’elle repose sur une interprétation parfois ambiguë des rôles et responsabilités entre le maître d’œuvre et les employeurs, notamment les sous-traitants.


1. Une approche sur mesure, dictée par la réalité du terrain

Chaque chantier est unique. La configuration du site, le type d’activités réalisées, les équipements en place et les risques spécifiques varient considérablement d’un projet à l’autre. C’est pourquoi le décret exige que la procédure de sauvetage en hauteur :

  • soit adaptée aux activités du chantier ;
  • tienne compte de l’évolution des travaux ;
  • soit connue et pratiquée par les travailleurs.

Autrement dit, un plan générique ou « passe-partout » ne suffit pas. La planification doit être sur mesure, conçue selon les dangers propres à chaque phase des travaux, et continuellement mise à jour.


2. Un partage de responsabilités à clarifier

Le décret désigne le maître d’œuvre comme responsable de l’élaboration du plan de sauvetage en hauteur. Toutefois, cela ne signifie pas que les employeurs ou sous-traitants en sont dégagés. Ces derniers demeurent responsables de la santé et de la sécurité de leurs propres travailleurs.

Cette dualité crée une zone d’incertitude :

  • Le maître d’œuvre doit-il concevoir une procédure couvrant tous les cas possibles, y compris ceux propres aux méthodes de travail des sous-traitants?
  • Les employeurs doivent-ils fournir leur propre plan complémentaire ou adapter celui proposé?

Sans directives contractuelles ou échanges formalisés, cette interprétation varie d’un chantier à l’autre, ce qui peut nuire à l’efficacité et à la cohérence des mesures mises en place.


3. La coordination des ressources : un défi logistique

L’obligation d’avoir un intervenant formé en sauvetage sur le chantier, ainsi que des équipements conformes aux normes, soulève plusieurs questions :

  • Qui fournit les équipements spécialisés?
  • Qui désigne et forme les intervenants de sauvetage en hauteur?
  • Comment s’assurer de la compatibilité entre les procédures des différents intervenants?

Ces éléments exigent une coordination active, des ententes claires et une communication fluide entre toutes les parties prenantes. Faute de quoi, les plans de sauvetage risquent d’être inapplicables ou non conformes.


4. Le choix de la méthode de sauvetage : compétences requises et hiérarchie des mesures

Il est important de souligner que le sauvetage, par définition, est une tâche effectuée en hauteur. Cela implique que certaines méthodes de sauvetage nécessitent des préalables spécifiques, notamment :

  • une compétence démontrée en déplacement en hauteur (déplacement sur corde, sur structure, etc.) ;
  • la maîtrise de l’utilisation d’un engin élévateur, dans les cas où cette méthode est retenue.

Le décret rappelle l’importance d’appliquer la hiérarchie des mesures de protection, même dans le contexte du sauvetage. Ainsi, la première question à se poser est :

  1. Le sauvetage peut-il être effectué à partir du sol?
  2. Sinon, peut-il être réalisé à l’aide d’un engin élévateur?
  3. En dernier recours, un sauveteur aérien peut être envoyé dans la structure pour effectuer le sauvetage.

Cette hiérarchisation vise à minimiser l’exposition des sauveteurs aux risques de chute et à limiter l’intervention à ce qui est strictement nécessaire.


5. Peut-on confier le plan de sauvetage à une firme externe?

Le recours à une firme spécialisée peut représenter une excellente stratégie pour bénéficier d’une expertise technique, éviter des erreurs de conception et mettre en place des pratiques de pointe. Toutefois, il est essentiel de comprendre qu’aucune firme externe ne peut garantir un “plan de sauvetage blindé” sans tenir compte du contexte spécifique du chantier.

Un tel plan doit :

  • être basé sur les réalités du terrain ;
  • tenir compte des travailleurs présents, de leur formation et des équipements disponibles ;
  • être évolutif et mis à jour en fonction des phases du projet.

Par ailleurs, même si une firme rédige ou aide à élaborer le plan, les responsabilités légales demeurent entre les mains du maître d’œuvre et des employeurs. La firme ne peut ni assumer le suivi quotidien, ni garantir que le plan sera correctement appliqué sur le terrain.

En bref, une firme externe peut accompagner, conseiller, former et structurer. Mais la responsabilité de mettre en œuvre un plan efficace, réaliste et à jour ne peut pas être externalisée.


Conclusion

Le décret 63-2025 a le mérite d’imposer une rigueur accrue en matière de sauvetage sur les chantiers. Toutefois, sa mise en œuvre ne peut reposer sur un modèle unique ou universel. Elle exige une compréhension approfondie du terrain, une collaboration étroite entre le maître d’œuvre et les employeurs, ainsi qu’un engagement réel envers la sécurité.

Enfin, toute procédure de sauvetage doit respecter la hiérarchie des moyens d’intervention, en priorisant les méthodes les plus sécuritaires pour tous les travailleurs impliqués, y compris les sauveteurs.

Plutôt que de chercher une solution miracle, il faut bâtir des solutions pragmatiques, progressives et adaptées au contexte, fondées sur le dialogue, la planification, et les compétences réelles des intervenants.

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