TRAVAIL EN HAUTEUR (décret 63-2025 CSTC)- Importants correctifs sur les systèmes de limitation du déplacement
Concernant le travail en hauteur, la mise à jour de novembre 2025 au décret 63-2025 (page 115/155) corrige une incohérence majeure dans l’article 2.10.16 du Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC). Ces ajustements étaient attendus, car la version initiale introduisait une exigence incompatible avec les normes et les équipements existants, créant de la confusion sur les chantiers, notamment en formation.
1. Fin de la “liaison d’arrêt de chute sans absorbeur”
La précédente version du décret exigeait une liaison d’arrêt de chute sans absorbeur d’énergie, un équipement qui :
- n’existe pas selon les normes CSA;
- contredit la définition officielle de la CNESST;
- ne correspond à aucun produit manufacturé.
La nouvelle formulation corrige l’erreur et précise que l’obligation d’intégrer un absorbeur d’énergie ne s’applique pas dans un système de limitation du déplacement — sans toutefois interdire les longes ou coulisseaux qui en comportent un.
➡ En pratique : Les longes et coulisseaux certifiés CSA, la majorité incluant un absorbeur, sont tout à fait admissibles et conformes.
2. La règle de la pente : maintenant au début de l’article
L’article commence désormais par :
« Le système de limitation de déplacement ne peut être utilisé sur les surfaces ayant une pente supérieure à 15° (3/12). »
Il ne s’agit pas d’une nouveauté, mais d’un déplacement visant à rendre la condition plus visible.
À noter : la norme CSA limite la pente à… 5°
Selon la norme CSA Z259.17:21, un système de limitation du déplacement ne peut empêcher efficacement une chute que si la surface présente une pente ≤ 5°.
La limite réglementaire de 15° est donc plus permissive que la norme reconnue.
Exemple concret : conditions hivernales
En hiver, les surfaces extérieures peuvent devenir gelées ou glacées. Une toiture inclinée recouverte de glace, même à une pente inférieure à 15° — ou même à 5° — augmente considérablement le risque de :
- glissade involontaire,
- perte de contrôle,
- dépassement accidentel de la limite de 0,9 m,
- et ultimement… d’une chute que le système est censé empêcher.
➡ En conditions glacées, un système de limitation du déplacement peut devenir insuffisant, même si le travail respecte la pente permise.
3. La distance de 0,9 m : une définition réglementaire manquante et problématique
Le règlement exige qu’un système de limitation du déplacement empêche l’utilisateur de s’approcher à moins de 0,9 m du vide. Toutefois : le texte n’explique pas comment cette distance doit être mesurée.
Cette omission est problématique, car :
- la norme CSA Z259.17 précise que la mesure doit être prise à partir de l’anneau dorsal (point d’attache arrière);
- cette distance suppose qu’il n’y ait aucun “mou” dans la longe, car la présence de mou annule le contrôle du déplacement;
- le concept fondamental d’un système de limitation est d’empêcher la chute, pas de la retenir.
Pourquoi cette imprécision devient critique si l’on continue de permettre la ceinture ?
Le règlement autorise encore l’utilisation d’une ceinture de sécurité, qui possède un point d’attache dorsal. Cependant :
Une chute dans une ceinture de sécurité est extrêmement dangereuse, voire mortelle, en raison du risque élevé de lésions internes, de dommages à la colonne, d’écrasement des organes et d’arrêts respiratoires.
Si la mesure des 0,9 m n’est pas clairement définie :
- un travailleur en ceinture peut dépasser accidentellement la limite;
- un simple mouvement, une distraction ou une surface glissante peut l’amener au-delà du bord;
- la ceinture n’est pas conçue pour absorber ou répartir les forces d’une chute.
➡ Sans définition claire de la distance de 0,9 m et sans exigence explicite d’absence de mou, le risque de chute fatale est réel.
4. Nécessité de redéfinir clairement ce qu’est un “système de limitation du déplacement”
Pour assurer la cohérence et la sécurité, il est essentiel de préciser que :
- Un système de limitation du déplacement doit empêcher l’utilisateur d’atteindre une zone où une chute est possible.
- La distance de 0,9 m doit être mesurée :
- L’équipement utilisé ne doit pas seulement être conforme, mais approprié à la tâche et à l’environnement.
En l’absence de ces précisions, la logique même du système est compromise.
5. À nuancer : certains équipements d’arrêt de chute ne conviennent pas à la limitation du déplacement
Bien que la nouvelle version du règlement n’interdise pas explicitement certains équipements, il est essentiel de préciser que :
Les dispositifs d’arrêt de chute tels que les enrouleurs-dérouleurs (dispositifs autorétractables, SRL / E-D), même lorsqu’ils sont certifiés leading edge, ne sont généralement pas adaptés à un système de limitation du déplacement.
Pourquoi ?
- Ils sont conçus pour arrêter une chute, non pour empêcher l’accès au bord.
- Leur longueur variable rend difficile le maintien constant d’une distance de 0,9 m.
- Ils laissent souvent un léger mou initial, suffisant pour permettre un franchissement accidentel du bord.
- Leur fonctionnement ne garantit pas une retenue statique : ils se déclenchent seulement après un mouvement rapide, ce qui est incompatible avec le principe de limitation et même la résistance de l’ancrage.
➡ En résumé : un SRL n’est pas un outil de limitation du déplacement. Il peut être utilisé pour l’arrêt de chute, mais rarement pour empêcher l’accès au vide.
6. En bref : ce qu’il faut retenir
✔ Corrections bienvenues
- Disparition de l’exigence impossible d’une longe sans absorbeur.
- Intégration claire des équipements modernes certifiés CSA.
- Mise en évidence de la restriction liée à la pente.
✔ Points nécessitant vigilance
- Code : 15° → Norme CSA : 5°.
- Distance de 0,9 m mesurée à partir du D-ring dorsal.
- La ceinture, bien que permise, augmente le risque de dépasser la zone sécuritaire.
- La logique de prévention doit compléter la simple conformité réglementaire.
Conclusion
Les correctifs au décret 63-2025 offrent un cadre plus cohérent pour l’utilisation des systèmes de limitation du déplacement. Toutefois, la prévention exige souvent d’aller au-delà du texte réglementaire, en s’appuyant sur :
- les normes CSA,
- les recommandations des fabricants,
- et une analyse de risque rigoureuse.
La sécurité réelle repose toujours sur la compréhension du système — pas seulement sur sa conformité.
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